Extrait :
La pièce blanche
C'est une salle qu'un auteur dramatique en manque d'inspiration aurait pu imaginer, les yeux rivés sur sa page blanche : des murs blancs. Un plafond blanc. Un sol blanc. Pas complètement dépouillée, mais assez pour que les rares éléments du décor laissent pressentir qu'ils tiendront un rôle crucial dans la pièce qui va se jouer.
Une femme est assise sur l'une des deux chaises alignées contre une table blanche rectangulaire. Ses mains sont menottées devant elle ; elle est vêtue de la combinaison orange des détenus, dont la couleur vive paraît terne dans toute cette blancheur. Un homme politique sourit sur une photographie accrochée au mur, au-dessus de la table. De temps à autre, la femme lève les yeux vers la photo ou vers la porte qui est l'unique issue de la pièce, mais en général elle ne quitte pas ses mains du regard et attend.
La porte s'ouvre. Un homme en blouse blanche entre, apportant de nouveaux accessoires : un dossier et un magnétophone.
- Bonjour, dit-il. Jane Charlotte ?
- Elle-même.
- Je suis le Dr Vale.
Il ferme la porte et s'approche de la table.
- Je suis ici pour vous poser quelques questions, si vous êtes d'accord.
Comme elle hausse les épaules, il demande :
- Savez-vous où vous êtes ?
- Sauf s'ils ont déplacé la salle... Puis :
- Dans la prison de Las Vegas. L'aile des barjots.
- Et vous savez pourquoi vous êtes ici ?
- Je suis en prison parce que j'ai tué quelqu'un que je n'étais pas censée tuer, répond-elle, impassible. Quant à savoir pourquoi je me trouve dans cette pièce avec vous, j'imagine que ça a un rapport avec ce que j'ai raconté aux policiers qui m'ont arrêtée.
- Oui.
D'un geste de la main, il désigne la chaise vide.
- Puis-je m'asseoir ?
Nouveau haussement d'épaules. Il s'assoit. Rapprochant le magnétophone de ses lèvres, il récite :
- 5 juin 2002, aux environs de 9 h 45. Ici le Dr Richard Vale, en conversation avec la patiente Jane Charlotte... Où habitez-vous, actuellement ?
- Eh bien, en ce moment, je n'ai pas vraiment de chez-moi.
-... sans domicile fixe.
Il pose le magnétophone, qui reste allumé, sur la table, et ouvre le dossier.
- Bon... Vous avez dit aux policiers qui vous ont arrêtée que vous travailliez pour une organisation secrète de lutte contre la criminalité, les Bad Monkeys.
- Non, dit-elle.
- Non ?
Présentation de l'éditeur :
De nos jours, dans un monde qui ressemble comme deux gouttes d'eau au nôtre et qui pourtant n'est pas tout à fait le même... Jane Charlotte est arrêtée en flagrant délit, pour un meurtre qu'elle vient de commettre. Au commissariat, elle raconte aux inspecteurs une histoire invraisemblable : elle ferait partie d'une organisation secrète dont la mission serait de se débarrasser des «Bad Monkeys», les êtres malfaisants qui ont échappé à la justice. Son aveu la conduit tout droit à la prison de Las Vegas, dans l'aile psychiatrique, où elle est interrogée par un médecin. Jane Charlotte entame alors le récit de sa vie : son adolescence chahutée, son recrutement par l'organisation, ses premières missions... Impossible de démêler dans ses propos le vrai du faux, le délire de la réalité... jusqu'à l'étonnant coup de théâtre final.
Matt Ruff, 40 ans, a grandi à New York où il a bénéficié d'un casting de profs prestigieux : Frank McCourt et Allison Lurie. Il aime se frotter à des genres divers et a déjà publié deux romans très différents : Un requin sous la lune (Le Masque - Folio SF) et un thriller délirant La proie des âmes (Le Seuil - Points). Bad Monkeys paraît dans plusieurs pays (Angleterre, France, Italie, Allemagne, Hollande, Brésil). Il vit aujourd'hui à Seattle.
«Ruff a créé un univers qui n'est pas sans rappeler celui de Philip K. Dick. On y croise aussi l'ombre de Jim Thompson et de Thomas Pynchon.»
The New York Times !
«Bad Monkeys est comme un château de cartes construit par un fou de vitesse : ça va à toute allure et on s'attend à ce que ça s'écroule à tout moment, mais ce n'est jamais le cas. Une joie cérébrale d'un bout à l'autre et un final qui vous laissera complètement K.O.»
Publishers Weekly
Traduit de l'américain par Laurence Viallet
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